Quand ZEVS rencontre le Marquis de Sade…

Le Centre des monuments nationaux donne carte blanche à ZEVS au château de Vincennes. NOIR ECLAIR est une proposition d’exposition d’art contemporain spécifiquement créée pour le château.
Dans le cadre de cette exposition monographique, l’artiste français met en scène, pour la première fois dans ce monument, sa vision de la rencontre entre patrimoine et art contemporain.

L’occasion de créer une oeuvre autour du Marquis de Sade dans sa cellule…

Dans cette cellule, Donatien Alphonse François de Sade, accusé de « débauche outrée » fut enfermé deux fois, durant plus de dix années, évitant ainsi la condamnation à mort et y rédigeant la première version de « Justine ou les malheurs de la vertu ». Au château de Vincennes, certains prisonniers prestigieux se voyaient autorisés à faire venir meubles, animaux, et parfois même familles. Ainsi, Monsieur le 6 (nom que lui donnaient ses geôliers

d’après son numéro de cellule) put travailler dans un mobilier Louis XIII, proche sans doute de celui que l’artiste a choisi pour son installation « Mariage Frères ».

Il s’agit d’un jeu d’échecs particulier, que le public est invité à jouer en certaines occasions, réalisé en marqueterie et matières précieuses, et évoquant de manière ludique, au travers de pièces évoquant des logos, les enjeux et les stratégies historiques parcourant l’Histoire contemporaine.

La reine Chanel (la belle Française) – Le Roi Rolls Royce (le bel Anglais) – Le cheval Ferrari (le chevalier italien) – La tour CBS (la surveillance américaine) – Le fou Facebook (Pour le meilleur comme pour le pire) – Les pions Playboy (l’amour du risque)

L’œuvre en ce sens s’ancre dans la tradition du jeu d’échecs qui, au-delà de sa dimension stratégique et militaire, initia au cours de son histoire différentes couches de la société à l’ordre religieux, social, économique ou politique. Ainsi, le jeu d’échecs peut être perçu à la fois comme un microcosme à expérimenter, un « miroir du monde » tel qu’il est schématiquement, l’expression d’une lutte intellectuelle contre le hasard, ou encore un espace de réflexion pure.

Présentée sous sa cloche de protection, mettant en valeur sa rareté, le jeu d’échecs s’inscrit aussi dans la pratique médiévale du « trésor », ensemble de biens meubles précieux que tout homme de pouvoir se doit de posséder et de montrer, « sorte de « musée imaginaire » dont la mise en valeur, la conservation et l’exposition en public font partie intégrante de la liturgie du pouvoir. »*

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Mariage Frères dans la cellule du Marquis de Sade au rez-de-chaussée du donjon
© Benoit Pailley – Courtesy de l’artiste

Au travers de nouvelles productions, créées pour le lieu, et faisant souvent écho à son histoire personnelle, l’exposition NOIR ECLAIR permet d’approcher le langage particulier et réactif, entre art urbain et art contemporain, qui identifie le travail de ZEVS depuis près de vingt ans. Graffiti propre, graffiti invisible, liquidation des symboles, « attaques visuelles » : NOIR ECLAIR se dessine ainsi comme une sorte de rétrospective-prospective, réinterprétant des pratiques dont ZEVS fut précurseur.

Photographies, installations, vidéos, sculptures et peintures offrent un panorama de création complet. Ses œuvres, faisant appel à de nombreux partenaires et technologies, investissent les espaces extérieurs, la Sainte-Chapelle et les différents niveaux du donjon du château de Vincennes.

Zevs, pseudonyme de l’artiste Aguirre Schwarz, est celui par qui advient la lumière dans la mythologie grecque, et dont l’arme produit les éclairs. Jouant de cette histoire, l’artiste qui tient davantage son nom de la rame du RER A qui faillit l’écraser au début des années 90, alors qu’il taguait dans un tunnel, que du Panthéon grec, file la métaphore du clair-obscur, de l’ombre et de la lumière.

La lumière constitue un des axes plastiques de l’artiste, dont il travaille les possibilités et les effets depuis de nombreuses années, depuis ses « Electric Shadows », à la fin des années 90, jusqu’à la peinture au pigment fluo luminescent que révèle l’ultraviolet.
Flammes, éclat de l’or ou de l’argent, lumière aveuglante ou noire, électrique, stroboscopique, flashée… le spectre de la lumière est partout présent dans l’exposition.

De cette sorte d’oxymore – « Noir éclair » – Zevs tire un ensemble de propositions formelles explorant ainsi les contrastes de ces champs chromatiques.

Mais « Noir éclair » se prête aussi à une réflexion sur ce que l’obscurité et la lumière signifient symboliquement – ici, l’ignorance, l’illusion, la faiblesse, là, le savoir, la liberté, la puissance-. Ainsi, la figure de Léonard de Vinci, que l’on retrouve un peu partout en filigrane de l’exposition, semble dessiner à contre-jour le profil de l’homme, et du monde nouveau de la Renaissance.

Du réel chantier de restauration (celui de la Sainte-Chapelle) à celui des idées, de la « fin » d’un monde (l’installation « Perpetual Ending », dans la Sainte-Chapelle encore) à la fin de l’Histoire, la plupart des œuvres de Zevs présentées ici, dans leur complexité visuelle et sémantique, font écho à la précarité de notre monde, à notre culte du média et de l’immédiateté, à la violence de l’histoire, sans pourtant jamais céder au manichéisme.

L’exposition est ainsi conçue comme un subtil jeu de concordances entre les préoccupations de l’artiste – et notamment son questionnement sur les mouvements contestataires – et les rebonds de l’Histoire, ses détours, l’expression de ses pouvoirs, dont Louis XIV incarne l’acmé. Elle évoque aussi la longue et complexe histoire du château de Vincennes, avec ses abandons et ses renaissances successives (résidence royale, prison, manufacture de porcelaine), puis aujourd’hui élément essentiel du patrimoine français.

NOIR ECLAIR participe ainsi de la réflexion critique que mène ZEVS sur la notion de pouvoir, que le château de Vincennes incarne historiquement, en tant que lieu d’exercice du pouvoir politique mais aussi dans sa fonction pénitentiaire. Certaines œuvres feront explicitement allusion à cette notion de pouvoir, politique mais aussi et surtout économique, comme celui des marques et des logos sur lesquelles l’artiste français a longuement travaillé.

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Mariage Frères dans la cellule du Marquis de Sade

 

Exposition ZEVS Noir Eclair au château de Vincennes

A voir jusqu’au 29 janvier 2017

 

 

*d’après Michel Pastoureau – Le jeu d’échecs médiéval, une histoire symbolique – Editions Dusserre, 2012

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