Sade, Coutaud et le Surréalisme

Le musée des beaux-arts de Gaillac propose jusqu’au 21 septembre une exposition retraçant le parcours du maître du surréel, Lucien Coutaud (1904-1977).

Gilbert Lely, véritable expert du Marquis de Sade demanda, en 1947, à Lucien Coutaud d’illustrer son ouvrage « Ma Civilisation ».

A la suite de cet entretien Lucien Coutaud travailla sur une série d’eaux-fortes avec notamment des représentations du château de Lacoste ainsi que du Marquis de Sade.

Le 5 juillet 1947, Gilbert Lely qui venait de recevoir les premières épreuves des eaux-fortes pour « Ma Civilisation » éprouve le besoin de remercier l’artiste.

« Mon cher Coutaud,
Toutes vos planches pour « Ma Civilisation » sont donc terminées, et je sens le besoin de vous remercier encore de tout coeur et de vous redire combien sans réserve j’admire le travail que vous avez fait. Vous avez su, tout en conservant votre exceptionnelle personnalité, rejoindre la mienne, et vos cuivres revêtiront mes poèmes d’un éclat qui attirera des regards, lesquels, sans cela, se fussent peut-être détournés, indifférents.
Sans réserve, ai-je dit, – oui, mais en ce qui concerne la planche du Château-lyre, belle, inquiétante, tentaculaire, et qui, intrinsèquement, ne le cède à aucune des autres planches, je dois vous dire qu’elle ne correspond pas à mon interprétation de ces ruines que j’aime d’un maniaque amour. Les poèmes qu’elle doit illustrer sont les seuls poèmes optimistes de mon recueil, et votre dessin est terrible, sans espoir ; il constitue une interprétation de la pensée de Sade qui n’est pas la mienne. Aussi je viens vous demander de le remplacer par le portrait en pied de Sade, dont vous avez bien voulu me donner un essai, et qui est pour moi, totalement, Sade. – que j’aimerais, mon cher Coutaud, que vous puissiez le transformer en hors-texte ! – Pour le fleuron de fin, le sujet en pourrait être le château. Son exiguïté amortira peut-être votre pessimisme. Pour le cas où vous ne pourriez, pour ce fleuron, tirer partie du château déjà fait, je joins à cette lettre une vue d’ensemble de ces ruines, que vous ne possédez pas et qui vous sera sans doute utile. Je m’excuse de venir ainsi vous ennuyer, mais ce problème du château est pour moi essentiel et je compte sur votre amitié, que j’ai déjà mis tant de fois à l’épreuve, pour faire encore cet effort.
Merci, mon cher Coutaud, à bientôt, et croyez-moi tout à vous. »
Gilbert Lely, lettre à Lucien Coutaud, Paris, 5 juillet 1947

Coutaud répond à la requête du poète. Il recompose le dessin du « Château-lyre » en montrant une vue plus conventionnelle du château de Lacoste. Pour l’illustration finale, Lely choisira en définitive le portrait en pied du Marquis de Sade traçant de sa canne ses initiales sur le sol, son visage inconnu remplacé par l’aigle de ses armoiries.

Le 29 août 1947, Coutaud, en vacances dans le midi, se rend au château de Lacoste. Il y retourne le 3 septembre. Il réalise dans ces circonstances plusieurs croquis et dessins des ruines de ce château auxquels feront suite des gouaches et peintures à son retour à Paris.

Le 17 décembre 1947, Gilbert Lely offre à Lucien Coutaud l’un des cent exemplaires hors- commerce sans les gravures de « Ma Civilisation » imprimés le 14 novembre dernier et réservés à l’auteur. La dédicace est datée de la veille :

« Au grand peintre
Lucien Coutaud
MA CIVILISATION
par qui ces poèmes,
projetés dans sa noire subjectivité,
sont devenus plus beaux
avec la très amicale reconnaissance de Gilbert Lely,
16 décembre 47 » .

Merci au Docteur Jean Binder pour son aide précieuse.

http://bit.ly/1sVri7b

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