Le manuscrit des 120 journées de Sodome – Vente Aristophil

La vente exceptionnelle des collections Aristophil aura lieu le 20 décembre à Drouot par Aguttes ; l’occasion de voir les plus beaux manuscrits dont l’incroyable rouleau des 120 journées de Sodome, pièce centrale de la vente.

 

C’est à la Bastille, où il est transféré le 29 février 1784, que Sade va mettre au net, sur cet étonnant rouleau de papier, les brouillons des « 120 Journées de Sodome », commencés, semble-t-il, deux ans plus tôt. À deux reprises, Sade a daté ce rouleau manuscrit: au bas du recto: «Cette bande a été écrite en 20 soirées de 7 à 10 heures du soir et est finie ce 12 7bre 1785» ; puis à la toute fin:«Toute cette grande bande a été commencée le 22 8bre 1785 et finie en 37 jours » ; il a donc été écrit entre août et novembre 1785. Les feuillets sont délimités sur chaque bord par un épais trait à l’encre brune ; certains lés de papier portent leur numéro d’assemblage ; dans la marge, Sade a en outre porté le numéro de la journée de la première partie ; les feuillets sont remplis d’une petite écriture serrée à l’encre brune ; on relève quelques ratures et passages biffés.

Le roman se situe à la fin du règne de Louis XIV, peu avant la Régence. Sade présente d’abord longuement les quatre principaux protagonistes, de riches aristocrates libertins ; puis leurs femmes. Il s’agissait, dans le dessein des « quatre scélérats », non seulement de pratiquer toutes les débauches possibles, mais aussi, pour exciter leur lubricité, de se faire raconter (sur le modèle des « Mille et une nuits » ou du « Décaméron ») « tous les écarts les plus extraordinaires de la débauche » par quatre maquerelles expérimentées, chacune chargée du récit de 150 passions, dans une gradation allant des plus simples jusqu’aux plus atroces supplices et au meurtre au cours de chacun des quatre mois d’hiver au cours desquels tout ce monde va vivre enfermé dans le château de Silling, perdu dans la Forêt Noire. Ce roman constitue le plus « gigantesque catalogue de perversions », selon Jean Paulhan. «Jamais à aucune époque, dans aucune littérature, on n’avait rien écrit d’aussi scandaleux, d’aussi repoussant, d’aussi insupportable» écrit quant à lui Jean-Jacques Pauvert:

Ce rouleau, rangé à l’origine dans un étui, et caché entre deux pierres, abandonné par Sade dans son cachot de la Bastille quand on l’en a extrait brusquement le 2 juillet 1789 (douze jours avant la prise de la forteresse) pour le transférer à Charenton, fut retrouvé dans son cachot par un certain Arnoux de Saint-Maximin, qui le vendit à la famille de Villeneuve-Trans. Publié pour la première fois en 1904, de façon très fautive, par son nouveau propriétaire, le psychiatre et sexologue allemand Iwan Bloch (sous le pseudonyme d’Eugène Dühren), racheté en 1929 par Charles et Marie-Laure de Noailles, le manuscrit est confié à Maurice Heine qui en donne une édition de référence (1931-1935). À la mort des Noailles, le rouleau passe à leur fille Nathalie. Il est volé en 1982 par l’éditeur Jean Grouet, qui le vend illicitement au bibliophile suisse Gérard Nordmann. Une bataille judiciaire s’engage, menée par Carlo Perrone, le fils de Nathalie de Noailles ; la justice suisse, contrairement à la justice française, valide la possession du manuscrit par Gérard Nordmann. Un temps déposé à la Fondation Bodmer à Genève, le manuscrit, à la suite d’une transaction entre la famille Nordmann et Carlo Perrone, est acquis en mars 2014 par Aristophil et peut rentrer en France.

 

Photos : ©C.Aguttes/Drouot

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