La seule pièce de théâtre écrite par le divin Marquis entrecoupés de passages musicaux
Manuscrit complet de cette pièce datée de 1810, seule pièce de théâtre avec passages musicaux qui devaient être composés par un musicien, écrite par le Marquis, sur les 17 pièces de théâtre qu’il écrivit.
315 pages avec une cinquantaine de corrections manuscrites de la main de Sade et quatre pages complètes de sa main (ainsi que 2 pages découpées). Relié grand in-quarto plein carton rose taché d’encre, titre à la main sur le premier plat, dos abîmé avec manques.
Cette pièce, présentée ici dans son ensemble tel que le voulait le Marquis ne fut jamais publiée et contient de nombreuses variantes avec les pièces partielles écrites précédemment par le Marquis. En particulier la première version de La ruse de l’amour ou l’union des arts qui fut présentée à la Comédie Française le 27 janvier 1792 et fut refusée à l’unanimité des 13 membres présents.
Alors âgé de 70 ans et interné à Charenton, SADE dont la passion ancienne pour le théâtre (« le seul moyen d’être connu de tous rapidement » ) est avérée, reprend des parties d’une première pièce écrite en 1788 pour Ruse d’amour (dont une seule partie, Oxtiern ou les malheurs du libertinage a été publiée). N’ayant pas trouvé de théâtre acceptant de jouer cette première pièce à sa sortie de la Bastille, il reprend la trame de la pièce avec des perspectives nouvelles en intégrant une technique qui lui est propre et qu’il pense être révolutionnaire ; enchâsser à l’intérieur de la pièce, trois petites pièces, une tragédie, une pièce de caractère et une comédie féérie.
Emprisonné depuis de nombreuses années, venant de traverser les épisodes douloureux de la révolution française où il faillit perdre la vie, Sade veut s’éloigner des pans inavouables de son œuvre pour s’inscrire dans un registre bien plus acceptable, avec une approche et un style classique. Des propos et sentiments où l’on ne reconnaît pas le Sade qui fît scandale, allant à la fin jusqu’à glorifier Napoléon. Seule l’extrême rigueur avec laquelle il ordonne les rites de ses pièces peut rappeler les écrits licencieux de l’auteur.
Ecrit en alexandrins, dissyllabes, vers libres et prose et devant être ponctué de musique de vaudevilles, cette pièce en 12 scènes suit une intrigue des plus classique. Une jeune fille est promise par son père à un riche et vieux noble. Son amoureux ne va avoir de cesse que de convaincre son père qu’il fait fausse route et qu’il est lui le prétendant idéal. Pour ce faire et sachant le père passionné de théâtre, il va se faire passer pour un Directeur de théâtre, de passage dans leur château et va monter pour lui, trois petites pièces (Euphémie de Melun ou le siège d’Alger/L’homme dangereux/Azelis ou la coquette punie) où il démontrera les malheurs d’un père qui sacrifie sa fille à ses ambitions, la joie de s’en repentir et la bassesse d’un futur mari qui n’a ni noblesse, ni goût artistique, ni esprit. Ce principe de pièces à tiroirs conduira Sade à rédiger un spectacle très long, trop long (la première version ayant été proposée et refusée par la Comédie Française en 1792 devait durer plus de 3 heures).
Enfermé à Charenton, ayant repris ses brouillons et ses premières mises au net, il peut à loisir rédiger un spectacle complet qui pourrait être joué par des patients, dans une représentation ouverte à un public trié sur le volet selon le souhait du Directeur de l’établissement François Simonet de Coulmier. Malheureusement cette pièce ne sera pas jouée, le Ministre de l’Intérieur ayant suspendu ces représentations, contestant en ces termes la démarche de Sade et du Directeur de l’établissement de Charenton, « j’ai jugé, d’après le compte qui m’a été rendu, que les bals et les spectacles qui ont lieu dans la maison de Charenton, dans la vue de distraire les malades pouvaient exercer sur eux une influence plus nuisible qu’utile, agitant leurs sens et en exaltant leurs esprits et il m’a paru convenable de supprimer provisoirement ces exercices ». Une nouvelle fois, la dernière, le Marquis de Sade sera interdit. Entré à Charenton en 1803, le Marquis y mourra en 1814 sans avoir retrouvé la liberté ni put voir jouer ses pièces de théâtre à l’extérieur et encore moins publier ses livres.