Sade – Contes étranges

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« Lecteur, joie, salut et santé, disaient autrefois

nos bons aïeux après avoir fini leur conte. […]

Je dirai donc comme eux : lecteur, salut, richesse et plaisir;

si mes bavardages t’en ont donné,

place-moi dans un joli coin de ton cabinet;

si je t’ai ennuyé, reçois mes excuses et jette-moi au feu. »

 

Etrange ! Contes étranges ! Michel Delon, un des meilleurs spécialistes de Sade, nous offre, en ce début d’été, une excellente vision de l’œuvre multiple du Marquis de Sade.
En effet, peu connaissent l’étonnante variété des écrits de Sade.
Celui-ci voulait, avant tout, être reconnu comme un  « homme de lettres ».
Que ce soit dans son « Catalogue raisonné » de ses œuvres en 1788, ou ensuite dans son « Portefeuille d’un homme de lettres », Sade démontre son souci perpétuel de toucher à tous les genres : pièces de théâtre, romans historiques, récits de voyages, poésie, fabliaux, romans épistolaires historiettes et…contes… !
Cette polyvalence correspond à une sorte de volonté d’être reconnu par le « milieu » littéraire comme un écrivain « classique » !
Il rentrait ainsi dans, ce qui lui paraissait être, les codes « acceptés » de son temps.
Mais classicisme ne veut pas dire, chez Sade, littérature sans saveur.
Ces « contes étranges » ouvrent la porte à d’autres œuvres -majeures- de Sade. Ils sont comme une introduction, une ouverture, un synopsis, et surtout une facon de mise en bouche littéraires.
Ces écrits sont aussi pour lui un moyen de s’extirper de son univers carcéral.

« Sade est prisonnier. Il accumule les contes et nouvelles, dans une réflexion sur le sens du mal. En 1800, il publie onze récits sous le titreCrimes de l’amour, nouvelles héroïques et tragiques. Il les complète par des contes légers ou bizarres, qui paraîtront après sa mort : lesContes étranges. Ils regroupent des historiettes, qui relèvent de l’inspiration licencieuse propre aux conteurs de la Renaissance, et des contes et fabliaux, qui seraient les inventions d’un troubadour du XVIIIe siècle. Ces récits courts ne sont pas de simples essais en vue des grands romans. Ils constituent le pôle nécessaire d’une création romanesque qui fonctionne entre réalité et imaginaire, entre demande d’indulgence et revendication de l’outrance. Ils racontent la discordance du désir avec l’ordre social, de la réalité vécue avec les théories. Ils cartographient nos désirs comme nos hantises. »

Contes étranges
Édition de Michel Delon
Collection Folio classique

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